JF Scalbert né en 1953 et vit actuellement dans le Jura en Suisse, après avoir passé sa petite enfance en France. Il est issu d’une famille de musiciens que domine la figure emblématique voire problématique d’un père psychanalyste. Ses premières années en Suisse sont marquées par la disparition de sa soeur aînée : il en gardera une angoisse prononcée pour le figement que la mort impose et s’intéressera dès lors à toutes sortes d’activités ou d’inventions impliquant le mouvement. De son métier de décorateur exercé à partir de 1972, il retiendra l’aspect scénographique, la vitrine étant un espace où bien involontairement on s’exhibe aux passants. Ainsi, ses premières créations, baptisées «pantinophones» sont des personnages animés par une manivelle qu’il met en scène dans des sortes de vitrines. En 1977 sa première exposition est plutôt encourageante. Au fil du temps et l’expérience aidant, les mécanismes s’affinent, deviennent plus complexes et les pantins cèdent la place à de petits tableaux musicaux animés. Exécutés principalement à la gouache, les sujets d’abord naïfs évoluent peu à peu vers un style surréaliste plus achevé. Une quarantaine de ces petits tableaux voit le jour et remporte un beau succès auprès du public. En 1985, par défi et par jeu, il conçoit les «Billotons», sortes de flipper verticaux à monnaie, aux mécanismes particulièrement complexes. Les décès de son père en 1984 et de sa mère un an plus tard vont marquer le début d’une nouvelle période artistique : il aborde véritablement la peinture (aquarelle, acryl et huile) à travers des compositions qui se font de plus en plus oniriques. Elles mêlent corps de femmes et instruments de musique dans une analogie de formes sensuelles ou menaçantes. En 1987, cette vie, pourtant rêvée, commence à devenir pesante et étouffante, la difficulté à trouver des galeries contribue à cette démotivation : graphismes agressifs, tableaux animés aux bruits dissonants et aux mouvements inquiétants témoignent de la lassitude et des angoisses existentielles de l’artiste. Durant 8 ans, il exploitera son propre atelier de graphisme, Créa4, qui lui permettra de prendre un certain recul avec ses créations, tout en explorant de nouvelles techniques. En 1994, il crée et anime une troupe de théâtre d’enfants et un an plus tard entreprend une formation d’enseignant. Redevenu prolifique, toujours aussi éclectique par jeu et par passion, mais moins pudique, JF Scalbert s’est à nouveau décidé à montrer son travail jamais vraiment interrompu…
Article de presse pour l’exposition FARB 2013
Autant le dire d’emblée, raconter le chemin, les recherches, puis l’évolution vers l’art aujourd’hui cinétique de Scalbert, bref, l’ensemble de sa carrière nécessiterait bien plus de lignes que la petite présentation qui suit, mais que je vous prie de comprendre comme une invitation, mieux, une réelle insistance à visiter absolument, que dis-je, impérativement son exposition à la FARB à Delémont, encore ouverte jusqu’au 17 novembre prochain.
Car si en art, l’obligation d’innover est bien réelle pour ne pas sombrer dans l’anonymat, voire l’oubli le plus total, cette innovation a malheureusement trop souvent débouché sur la laideur, pour ne pas dire l’absurdité complète. Comme je le disais autrefois dans un pauvre jeu de mots, on parle de Beaux-Arts. Et non pas de laids arts.
Avec Jean-François Scalbert, on se situe « ailleurs ». Le terme génial semble faible, car l’ingéniosité de l’artiste est sans limite. Génie nécessaire puisque comme son nom l’indique, l’art cinétique implique le mouvement.
Reprenons pour mieux saisir la démarche de Scalbert un extrait de la préface que j’avais écrite dans sa brillante monographie « Du pantin au hasard », qui vient de sortir de presse. (…) Ses premières années sont marquées par la disparition de sa sœur ainée : il en gardera une angoisse prononcée pour le figement que la mort impose et s’intéressera dès lors à toutes sortes d’activités ou d’inventions impliquant le mouvement. (…) Ceci explique presque complètement l’art de Scalbert aujourd’hui.
Ici, plus de dominante figurative ou abstraite, juste un jeu fascinant de rouages, d’engrenages, de fils, de poulies et autres ressorts, mais tout ça bien dissimulé à l’arrière de l’œuvre, jeu qui aboutit à une hallucinante beauté, à une poésie sans fin. Et puis aussi, il y a le son. Sans être les boîtes à musique, les pantinophones ou girophones de ses débuts, les tableaux exposés émettent pour la plupart des sons (parfois volontairement dissonants), empruntés certes à la musique, mais aussi et surtout à la nature et à ses bruits, à la vie et à ses symboles. Voyez « Je vouloir aimer vous », ou « on en revient », et dans un autre registre « Serjoint » où les fragments mobiles composent, mais à un seul moment précis, un visage plutôt connu. Ou encore cet étonnant champ de riz dans lequel une spirale de sillons se creuse toutes seule comme par magie, par magie.
L’artiste le disait dans une récente émission de télévision, « je fabrique des machines qui ne servent à rien. » Faux, Monsieur Scalbert : vos machines déclenchent chez le spectateur une indicible mais ô combien perceptible émotion.
Si ce qui précède a l’air quelque peu obscur, un seul conseil : visitez son exposition. Les questions s’effaceront laissant la place à une extraordinaire poésie, qui se chante comme un hymne à la vie.
PA Beuchat, nov.2013